Cérémonie de commémoration du 8 mai 1945 et célébration de l'Amitié franco-allemande

Publié le 09/05/2023





La cérémonie de commémoration du 8 mai 1945 a donné lieu à un hommage exceptionnel à Herbert HAUPT et à l'Amitié franco-allemande.

Cet événement a été relayé au niveau national: https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-revue-de-presse/la-revue-de-presse-du-lundi-08-mai-2023-3089712

ALLOCUTION DE M. Vincent Joineau, Maire de Rions

Monsieur le Sous-Préfet, Vincent FERRIER, 

Madame la Consule générale d’Allemagne, Stefanie ZEIDLER, 

Monsieur le Sénateur, Hervé GILLE, 

Monsieur le Député, Pascal LAVERGNE 

Mesdames et messieurs les Maires, 

Mesdames et Messieurs les conseillers municipaux, 

Monsieur le Commandant du Centre de Secours, 

Mesdames et messieurs les Présidents des associations de Rions, 

Mesdames et messieurs, enfants, petits-enfants et proches de Herbert HAUPT, 

Mesdames et Messieurs, 

 

C’est avec un sentiment d’Honneur que je m’adresse aujourd’hui devant vous. 

En ce jour de Commémoration de la capitulation, quelle leçon tirer, quelques 78 ans plus tard, du 8 mai 1945 ? 

Chaque année, nous nous penchons sur cette période de notre Histoire et établissons un parallèle avec le temps présent, ses enjeux, ses risques à l’échelle planétaire. Les évènements souvent s’accélèrent mais donnent aussi l’impression parfois de tourner en rond, de se répéter inutilement, voire de nous ramener en arrière, brusquement. 

En fait, le temps n’a pas conclu de pacte formel avec l’Histoire; il prend date ! 

Le jour « J » du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, s’est à son tour inscrit dans cette machine du temps, permise là aussi par le sacrifice de milliers d’hommes - 4000 morts et 6000 blessés côté Alliés ce jour là -, par le déploiement d’une quantité de matériel extraordinaire et la force d’une logistique implacable. L’heure de la Liberté a sonné du côté d’Ohama beach ! Plus rien ne l’arrêtera désormais. 

Bordeaux fut libérée le 28 août 1944. 

Les résistances du monde entier ont épaulé les armées dans leur entreprise de Libération ; en se renseignant sur les dispositifs de l’ennemi, détruisant ainsi ses moyens de transport, et en le harcelant partout. Un travail de fourmi qui a largement et souvent héroïquement contribué à la victoire finale. En 1944, 175 000 personnes faisaient officiellement partie en France de la Résistance.  

Comme il est désormais de tradition à Rions, nous célébrons désormais chaque année l’un des Rionnais morts pour la France. Saluons aujourd’hui la mémoire de Raymond DURAT, l’un de nos frères rionnais, qui fut tué le 8 octobre 1944 près de Vendays en Médoc. Ce jeune Rionnais au caractère de chef, courageux, était issu de Saint-Cyr, promotion Croix de Provence. Les témoins d’aujourd’hui se souviennent des avions de l’Armée française libre qui, le jour de l’enterrement de Raymond DURAT, survolèrent Rions pour lâcher plusieurs dizaines de bouquets de fleurs ceints du ruban tricolore. 

Saluons leur courage et leur ténacité ! 

Il y a 78 ans, le 8 mai 1945, c’est une vague de bonheur qui submerge Londres, Paris, Bordeaux...et Rions. Une journée de liesse collective à la mesure des déportations massives, des peurs quotidiennes et des privations imposées dont la guerre était encore synonyme.  

A Rions, la ferveur s’empare de la rue. Les cloches de toutes les églises de France sonnent à la volée la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. 

Puis, sitôt tombé le souffle de la ferveur, partout en France, vint le temps des semaines sombres, des actes de vengeance, loin de toute justice républicaine, tant parmi ceux qui se réclamaient de la Résistance que parmi la population civile. Rions n’en sera pas exempte. Aujourd’hui, rappelons-nous de ces hommes et de ces femmes, qui souffrirent ou furent tuées, sans justice, sans République. Ne les oublions pas. 

A cette tragédie, se rajoute, une autre toute aussi méconnue: celle des prisonniers de guerre allemands dont près de 700 000 ont été conservés en détention en France après la fin de la Seconde Guerre mondiale pendant dix ans, en violation des Conventions de Genève et du statut des prisonniers de guerre, et astreints au travail forcé dans l'agriculture, les usines et les mines. 

C’est alors qu’arrive à Rions, en décembre 1946, Herbert Arthur HAUPT, jeune soldat allemand né en 1920 à Steinau sur Oder, fait prisonnier le 17 janvier 1945 à Montjoie. Ce charpentier devient caporal-parachutiste en 1943. En décembre 1944, il fait partie de l’opération Stosser chargée de sauter le 16 décembre 1944, sur Malmédy en Belgique pour ouvrir la route des Hautes Fagnes aux chars allemands. Cette opération est un échec. Il se cache dans un puits où des soldats américains le trouvent les pieds gelés. Herbert HAUPT est fait prisonnier. Il est alors acheminé dans l’un des camps de Saint-Médard-en-Jalles où il y reste de mars à décembre 1946. Il est ensuite envoyé à Rions comme prisonnier pour travailler pour la commune. Herbert HAUPT et six autres prisonniers allemands sont placés sous le contrôle d’une commission municipale appelée “Commission Kommando”.  

A partir de 1947, les prisonniers allemands sont progressivement rapatriés ou transformés en travailleurs libres. 

Herbert HAUPT choisit, lui, de rester à Rions. Le maire de Rions, Henri DANEY, lui propose un contrat de travail dans sa ferme de Chollet, situé sur la route du monastère. En gage de sa volonté de rester vivre à Rions, il construit le lavoir situé à proximité de la mairie, entre 1948 et 1949. Depuis lors, c’est grâce à une preuve d’amour d’un citoyen allemand pour Rions que les Rionnais viennent trouver au lavoir un moment de calme propice aux discussions. Henri DANEY accepte sa demande. Herbert HAUPT pu ainsi rester vivre dans la région jusqu’à la fin de sa vie. Herbert HAUPT voulait habiter Rions. Habiter la France.  

En novembre 1950, il épouse une jeune femme rionnaise, Reine LAPRIE. 

Herbert HAUPT travaille pour Henri DANEY jusqu’au 1er mars 1955 : spécialiste du béton, il construit les cuves à vin de nombreux chais viticoles locaux et vraisemblablement la cabane du passeur. En 1955, il quitte la ferme de Chollet pour s’embaucher dans le vignoble MEDEVILLE à Cadillac. Il y travaille jusqu’à sa retraite en 1985 et décède en 1997 à Lestiac-sur-Garonne. 

Herbert HAUPT retrouve la trace de sa famille seulement vers 1960 qu’il ne revit qu’à l’occasion de deux ou trois visites. Lui, citoyen allemand enrôlé dans la Wehrmacht, choisit la France pour patrie d’adoption en 1948. 

Le destin de Herbert HAUPT témoigne de lui-même de la proximité et de l’amitié des peuples français et allemand. Aujourd’hui, 8 mai 2023, nous fêtons aussi les 60 ans du Traité de l’Elysée par lequel le Général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer scellaient la réconciliation et l’amitié durables de la France et de l’Allemagne.  

Par-delà l’ignominie du régime nazi, la souffrance de la guerre, la douleur de perdre ses proches et le sens de sa terre natale, Herbert HAUPT a retrouvé la liberté en France et y a fondé, non sans difficultés, sa famille. Il a fait œuvre de détermination, d’abnégation mais surtout de courage qui font honneur à notre commune mais plus encore à la France et aux valeurs européennes de fraternité, d’égalité, de démocratie, de liberté et de respect de la dignité humaine et des Droits de l’Homme. C’est pourquoi le Conseil municipal de Rions a voulu dévoiler une plaque commémorative rappelant la mémoire de Herbert HAUPT qui, malgré les circonstances historiques, a réussi à faire triompher l’amour. 

L’orage gronde en Europe, les atrocités règnent en terre d’Ukraine et, en de nombreux endroits, trop souvent, les velléités nationalistes bafouent les valeurs humanistes et d’amitié des peuples et des citoyens. 

Alors, 78 ans plus tard, quelles leçons avons-nous à tirer ?  

Prenons soin de l’amitié et de la liberté ! Quelles que soient les situations, ayant le courage de faire valoir le droit des peuples, des nations et des citoyens. Ne cédons jamais rien aux velléités hégémoniques, aux exclusions, aux divisions. Nourrissons inlassablement ce qui nous relie : la paix et l’amitié ! 

Cet acte de courage et de conscience, nous le poursuivons ensemble. Inlassablement. 

En Français. En Européens. En femmes et hommes libres. 

Vive la République ! 

Vive la France ! 

Vive l’Europe !